La bouse servie à l’assiette par Lysiane Ganousse
Misterien#1

Au cœur du cycle du vivant par Cécile Berthereau

Exposition « La Collection Municipale », dernières acquisitions. Le Bois Fleuri, Lormont du 14 novembre au 23 décembre 2023

Barbara Schroeder travaille la porcelaine et la sculpte depuis plusieurs années avec un attrait particulier pour sa blancheur et sa finesse. Au fil du temps, elle a élaboré à travers cette matière à la fois dure et fragile un répertoire des forces vitales qui habitent la terre : feuilles de vignes, de choux, pommes de terre, racines, pieds de vignes, huîtres. Ses œuvres aux dimensions variables, d’une fine racine de pissenlit à d’énormes pommes de terre, donnent lieu à des installations. Ainsi, la pièce donnée ici par l’artiste s’inscrit dans la série d’un plus vaste ensemble composé en 2018, intitulé 365 jours Niederrheintales, Conte du Bas Rhin. Elle y crée une variation autour de la pomme de terre (leitmotiv incontournable de son travail) composée de 365 pièces, impressionnant patchwork de matériaux et de couleurs: acryliques, gouaches, moulages, sculptures, porcelaines émaillées ou brutes, photos, collages, empreintes.

Barbara Schroeder ne recherche pas l’accumulation dans la représentation, mais l’inscription de ses œuvres au cœur du cycle du vivant. La porcelaine est une céramique, fine et translucide produite à partir du Kaolin. Elle est dite dure après une cuisson à plus de 1200°C. Elle est majoritairement utilisée dans les arts de la table. Les techniques de fabrication de la porcelaine atteignent leur perfection en Chine au XII e siècle, en Allemagne au XVIIIe siècle et en France, à Limoges au XIXe siècle. Les kaolins sont des argiles blanches, friables et réfractaires. Le mot dérivé du mot chinois gaoling, signifie collines Hautes. La porcelaine (porcellana) est baptisée ainsi par les Italiens qui la rapportent de Chine au XVe siècle. Elle est nommée ainsi en référence à l’apparence de certains coquillages dont ils la croyaient extraite. La porcelaine est issue d’un mélange de Kaolin, de quartz et de feldspath. Les pièces sont produites par coulage dans un moule ou par calibrage (la pâte est pressée par un outil contre les parois du moule).

Dans ses dernières œuvres, Barbara Schroeder poursuit son questionnement sur le vivant. Elle explique ainsi son rapport au sol, à la matière qui vit au centre de la terre :

« La campagne avec sa terre mère, productrice de nourriture, est le socle à partir duquel j’ai imaginé construire. La terre apparaît comme le plus petit dénominateur commun entre les hommes, à partir de quoi on peut relier, réunir, composer […] Fille de la campagne, l’origine de ma proximité avec la nature relève de mon identité personnelle et se retrouve, depuis le début, dans plusieurs sujets de mes recherches.2

« Pour moi, intuitivement, organiquement et émotionnellement, le thème de la terre s’exprime dans un état d’être et de vie. J’ai donc cherché la réponse dans différents domaines, le monde végétal souterrain d’abord, enfoui et invisible, puis palpable, perceptible ensuite. » La figure de la paysanne est à la jonction du monde souterrain et du palpable. Avec cette série « sont interrogés les thèmes du genre, de l’image de soi et de la transformation. Elles expriment aussi l’abnégation quasi monastique envers un profond dévouement pour l’amour du travail agricole qui remplit le quotidien de la paysanne. A l’ombre du mari, sans souvent toucher le moindre revenu ». (Barbara Schroeder).

Ici les feuilles de choux enveloppent la tête et les épaules de la paysanne moulées sur celles de l’artiste. Elles deviennent tour à tour cheveux, vêtements, couvre chef. Rappelons que lors de sa venue en janvier 2017, Barbara Schroeder avait exposé un ouvrage d’exception publié en 2008 La valse des choux, réalisé en collaboration avec Michel Butor qui pour l’occasion écrivit textes et poèmes accompagnants les œuvres de l’artiste. Une ode poétique à ce simple et noble légume.

Avec cette paysanne, un être d’argile surgit devant nous. Un être recueilli, en communion avec la récolte nourricière de la terre.

Cécile Berthereau, Novembre 2023

  • 365 jours (Niederrheintales), sculpture en porcelaine de Limoges,biscuit émaillé, 18 x 24 cm, 2015. Don de l’artiste à la collection municipale, mars 2018.
  • Œuvre issue de la série Les paysannes, moulage de racines et de branchage, buste et feuilles de choux en porcelaine de Limoges, 70 x 50 cm, 2023.

Toutes les porcelaines sont réalisées par la manufacture Les porcelaines de la Fabrique.

 

La bouse servie à l’assiette par Lysiane Ganousse
Misterien#1