Misterien-Wundheilung, 2021 /// La Vitrine des Essais, Bordeaux
Enfilades 2020 /// Prieuré du Pont Loup, Moret sur Loing

Cultiver notre Terre, 2021 /// Centre d’Art Arteppes, Annecy

Telle une archéologue, Barbara Schroeder explore les couches géologiques afin d’en révéler les secrets et la beauté. Son travail, qu’il soit sculptural, pictural ou performatif, creuse la nature dans une logique intuitive et instinctive, proposant des œuvres poétiques et esthétiques. Grâce à ses pièces aussi délicates que vibratoires, Barbara Schroeder offre au spectateur un nouveau regard sur le monde, élevant le cycle de la vie et ses formes primordiales au rang d’œuvre d’art.

Barbara Schroeder a quitté son Allemagne natale à la fin de son adolescence pour élire domicile en Gironde, plus précisément à Teuillac. Ici, la lumière se fait généreuse, la nature abondante et la verdure foisonnante. Sans renier son pays d’origine et l’influence durable qu’il a sur sa production, la campagne devient son sujet de prédilection, lui permettant un exercice de la couleur et une expérience de la prolifération qu’elle partage volontiers avec le public. Cette double culture franco-allemande est une constante dans son travail ; la terre nourricière, source infinie d’inspiration, permet à l’artiste de proposer une œuvre à la fois protéiforme et poignante, faisant la part belle aux savoirs ancestraux et artisanaux, tout en célébrant la vie sous toutes ses formes. Fortement marquée par la chute du Mur de Berlin et en clin d’œil aux couleurs terreuses et expressionnistesde Vincent Van Gogh, à la douce poésie du monde agricole de Jean-François Millet, aux collages obsessionnels de Kurt Schwitters, mais aussi aux matériaux bruts et naturels de Joseph Beuys, Mario Merz ou encore Giuseppe Penone, l’œuvre de Barbara Schroeder résonne avec détermination et justesse dans un monde globalisé et effréné, nous invitant à ralentir, à prendre le temps et à faire l’expérience de la contemplation. Selon ses propres mots : « chaque tableau est le paysage d’un instant ».

Ainsi, la pomme de terre, objet sans prétention et sans réel intérêt plastique au premier abord, devient objet de curiosité tout en rondeurs. Réinventée en porcelaine blanche, «  la matière de l’humilité » selon les dires de l’artiste, elle épouse la forme de la cellule originelle et évoque la pureté, mais aussi la patience, à travers des mises en scènes en extérieur comme en intérieur, en photographie comme en vidéo. Par le biais de cheminements et de formes tout en symbole, ses installations en porcelaine tentent de réinscrire durablement l’Homme dans la nature. Rappelant également les Kartoffelsteine, ces monuments érigés en Allemagne en hommage à la pomme de terre pour son rôle indispensable en temps de famine, l’artiste nous laisse entrapercevoir la multiplicité de lectures possibles face à son œuvre. Ainsi, « la pomme de terre serait la loupe qui entraine le regard vers l’intérieur de la terre ».

De la même manière, l’artiste s’empare d’un autre phénomène naturel et en propose une vision séduisante et étonnante. Partant du champignon et de son mycélium – ses filaments souvent invisibles et souterrains qui créent un véritable réseau neurologique de la nature, appelé également le Wood Wide Web – elle traduit sous forme plastique cette interconnexion indispensable et bienveillante, fondement du vivant. Se référant à des organismes végétaux, animaux, fongiques ou bactériens qui transforment la matière organique en décomposition, elle suggère, à travers ses toiles, ses dessins ou encore ses installations, un inévitable renouvellement de notre environnement et une interdépendance essentielle entre les différents organismes vivants.

C’est lors d’une résidence récente à Accous, dans les Pyrénées Atlantiques, qu’elle fait la rencontre d’un vacher et exploite les bouses de vache comme matériau artistique susceptible de parler à la fois de transhumance et de migration, tout en faisant écho à l’histoire d’un terroir et aux vestiges des voies romaines qui traversaient autrefois la fougère. Façonnant des formes simples, ajoutant sporadiquement des pigments pour obtenir différentes teintes, Barbara Schroeder nous offre une œuvre éphémère et puissante de Land Art.

C’est somme toute avec un optimisme non dissimulé que l’artiste produit un travail affirmant son plus profond respect pour le monde agricole et plus largement, la sphère du vivant. À travers une œuvre éclectique et foisonnante, et dans les mots du poète Paul Éluard qui l’accompagne régulièrement, elle invite le spectateur à élever le regard, vers la « verdure du ciel ».

Barbara Schroeder est née en 1965 à Clèves, en Allemagne. Elle vit et travaille à Teuillac, en Gironde. Elle est diplômée d’une maîtrise d’Arts Plastiques et est titulaire d’un DEA de l’Université de Bordeaux Montaigne. Chevalier des Arts et des Lettres, elle expose en France comme à l’international (Afrique du Sud, Allemagne, Autriche, Guatemala…) et ses œuvres ont intégré de grandes collections publiques et privées.

 

Alice Cavender
Responsable des expositions au Capc Musée d’art contemporain de Bordeaux

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